La Gambie sous Yahya Jammeh : chasse aux sorcières, syndrome de stress post-traumatique et visages voilés - Malinext

La Gambie sous Yahya Jammeh : chasse aux sorcières, syndrome de stress post-traumatique et visages voilés

La Gambie sous Yahya Jammeh : chasse aux sorcières, syndrome de

stress post-traumatique et visages voilés

Pendant 22 ans, les Gambiens ont vécu sous l’emprise de l’ancien président Yahya Jammeh, dont le règne a été marqué par des allégations de violations des droits de l’homme, notamment des meurtres, des chasses aux sorcières et des travaux forcés – bien que M. Jammeh ait précédemment nié tout acte répréhensible. Depuis sa défaite électorale brutale, il y a plus de cinq ans, le pays s’efforce de faire face à son histoire douloureuse, notamment par le biais de l’art.

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Fatou Terema Jeng a été submergée par l’émotion lorsqu’elle a vu pour la première fois ses photographies dans l’enceinte d’un musée appelé « The Memory House ». Mais ce n’était pas le désespoir et la tristesse habituels qu’elle ressent lorsqu’elle pense à ce qu’elle dit avoir été fait à sa famille par le régime de Yahya Jammeh en Gambie.

Au lieu des larmes, il y avait des sourires

« J’étais tellement heureuse quand j’ai vu mes portraits. Ils étaient si beaux. Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire ce jour-là ».

Son mari technicien radio, Sankung Balajo, est mort à cause de la chasse aux sorcières qui aurait été menée sur ordre de M. Jammeh.

Ces chasses ont apparemment commencé en 2009, après que M. Jammeh a attribué la mort d’une tante à la sorcellerie, et se seraient déroulées de manière sporadique pendant sept ans. Elles ont semé une profonde terreur et des divisions au sein des communautés gambiennes.

Les images de Mme Jeng font partie d’une puissante série de portraits de 11 personnes qui racontent les horribles abus qu’elles disent avoir subis, elles et leurs familles, sous le régime de M. Jammeh, qui était au pouvoir entre 1994 et 2016.

« La chasse aux sorcières »

Six des onze histoires documentées par les photographes portent sur des chasses aux sorcières.

Les victimes ont été rassemblées sous la menace d’une arme et emmenées dans des centres de détention secrets. Elles ont raconté avoir été déshabillées, battues, contraintes d’avouer des meurtres commis par sorcellerie et forcées de boire une concoction hallucinogène à base de plantes. Certains sont morts.

Nombre des personnes présentées dans l’exposition vivent avec des séquelles physiques, des flashbacks, une anxiété et une dépression invalidantes dues au syndrome de stress post-traumatique.

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La mère de Fatou était enceinte de huit mois lorsqu’elle a été accusée d’être une sorcière et emmenée par des soldats. Elle a perdu l’enfant et a fait au moins deux autres fausses couches.

Fatou a été victime de brimades à l’école en raison des accusations portées contre sa mère, et a dû quitter l’école à l’âge de 10 ans. Elle a fini par se marier alors qu’elle était très jeune. Lorsque son mari est au travail, elle passe ses journées seule : « Je n’ai pas d’amis », dit-elle.

Fatou a demandé à ce que son identité ne soit pas révélée – c’est pourquoi les photos d’elle exposées ont été prises alors qu’elle portait un voile.

Comme beaucoup d’autres personnes de l’exposition, c’est la première fois que Fatou s’ouvre sur la chasse aux sorcières.

Auparavant, elle avait peur d’en parler de crainte que « quelque chose de pire ne soit arrivé » à elle et à ses proches.

Elle n’est pas la seule. De nombreux Gambiens n’ont pas témoigné devant la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC), qui a entendu des témoignages entre janvier 2019 et mi-2021 sur la vie sous M. Jammeh.

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Certains parce qu’elle était diffusée en direct et qu’il s’agissait donc d’un forum beaucoup trop public pour parler d’incidents profondément troublants.

D’autres parce qu’ils avaient peur des répercussions possibles.

M. Jammeh est en exil en Guinée équatoriale – mais certains de ses hommes de main occupent toujours des postes d’autorité dans les villages, au gouvernement, dans l’armée et dans le service national de renseignement.

M. Jammeh a peut-être quitté la Gambie, mais la douleur que beaucoup ressentent à cause de son régime demeure.

Depuis, la vie est un véritable combat pour Mme Jeng. Elle gagne un peu d’argent en lavant des vêtements. Mais certaines personnes l’évitent et la stigmatisent : « nos voisins ne permettent pas à mes enfants de manger avec eux car ils disent que leur père était un sorcier ».

Mais le fait de venir à la Maison de la mémoire, de voir ses portraits et le haftaan de son mari – une tenue traditionnelle, dont elle a fait don au musée – a été pour elle une véritable catharsis.

Elle sent qu’elle commence enfin à se remettre.

« C’était la première fois que je partageais mon histoire et cela m’a beaucoup aidée à guérir ».

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