"J’ai fait don de mes ovocytes pour aider des femmes noires à avoir un enfant" - Malinext

« J’ai fait don de mes ovocytes pour aider des femmes noires à avoir un enfant »

L’ovocyte est une cellule qui permet la reproduction féminine, c’est l’équivalent du spermatozoïde chez l’homme.

Avant les dons d’ovocytes, les femmes infertiles ou dans l’incapacité de procréer devaient renoncer au désir d’avoir un enfant ou se tourner vers d’autres options comme l’adoption.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé en 2020 qu’entre 48 millions de couples et 186 millions de personnes sont touchés par l’infertilité dans le monde.

Cette technique permet aux femmes de tomber enceinte et de mettre au monde un enfant.

Pourtant, le manque de dons impose de longs délais d’attentes aux prétendants à la parentalité, les femmes noires notamment.

« La liste d’attente pour un don d’ovocyte pour des personnes caucasiennes, c’est cinq ans en moyenne alors que pour des personnes de phénotype noir c’est huit, neuf ou dix ans », déplore la jeune maman d’un garçon de 6 ans.

Dans la vie, Reine est conseillère numérique à Paris.

Et si ses proches la décrivent comme une personne généreuse, elle se voit comme une personne qui aime tout simplement aider les autres quand elle le peut et qui déteste l’injustice.

Reine est une optimiste convaincue, une militante des bonnes causes qui donne son sang, ses organes et ses gamètes par conviction.

L’histoire de reine est une histoire de solidarité, de générosité et de dévouement.

« C’est une cellule que je donne, qui n’est pas formée et n’a même pas encore été fécondée. C’est un ovocyte. A mes yeux, ce n’est pas comme si je faisais don d’un embryon par exemple. Et j’espère que cette cellule aidera une personne à accéder à la parentalité.

J’ai fait mon don d’ovocyte cette année en 2022 mais j’ai réellement pris conscience de la possibilité de donner ses ovocytes il y a six ans. Lors d’un rendez-vous chez la gynécologue à l’hôpital alors que j’étais enceinte de mon fils, j’ai vu une affiche dans la salle d’attente qui parlait de dons de gamètes.

Ce qui avait retenu mon attention ce jour-là c’est qu’il y avait un couple noir sur la photo mais je n’avais aucune idée de ce qu’était un don de gamètes.

J’en ai parlé à la gynéco qui m’a expliqué dans les grandes lignes et m’a dit qu’à la suite de mon accouchement et après mon allaitement, je pourrais revenir et avoir plus d’informations. Et si je voulais, je pourrais donner à ce moment-là.

Je me suis mise à la place de ces femmes qui doivent attendre tant d’années pour avoir un enfant et je me suis dit : ‘Je vais me lancer’.

J’ai pensé au bonheur que j’ai d’être mère et a tout ce que la maternité m’a apporté. Je suis tombée enceinte facilement alors même que j’étais sous stérilet.

Aujourd’hui, j’ai un petit garçon de 6 ans qui s’appelle Aaron. J’ai eu mon fils relativement jeune, j’avais 25 ans. Un enfant c’est plein de vie, c’est plein d’énergie, c’est le bonheur.

Je pense aussi que j’ai pu faire le don parce que j’ai connu la maternité. Sans ça, je ne crois pas que ce serait arrivé.

Je n’ai pas de désir d’enfant pour le moment mais si c’était le cas et que j’étais en attente, j’aurais aimé que quelqu’un fasse un don, tout simplement.

Manque de donneurs – encore moins de dons dans les communautés africaines

En règle générale, il y a peu de dons. Et l’attente est plus longue pour les couples noirs parce qu’il y a moins de donneuses.

Selon l’agence de la biomédecine, la liste d’attente pour un don d’ovocyte pour des personnes caucasiennes, c’est cinq ans en moyenne alors que pour des personnes de phénotype noir c’est huit ans, huit ou dix ans je crois et les personnes asiatiques je ne sais pas combien, peut-être encore plus.

Malheureusement, on est au courant du don que lorsqu’on en a besoin et je pense qu’on devrait en parler davantage, qu’on en ait besoin ou pas.

Il y a un manque de communication sur le don en soi. Par exemple, on voit des affiches de don de sang partout, on voit des affiches même de dons d’organes, alors que pour le don d’ovocytes ou en tout cas le don de gamètes, je n’en ai jamais vu hors hôpitaux.

Si des personnes en bonne santé peuvent donner mais ne sont pas au courant de ça, eh bien elles ne pourront pas savoir qu’elles peuvent donner.

Le don de gamètes est un geste altruiste qui repose sur la gratuité, l’anonymat et le volontariat. Il faut donc que la personne soit volontaire. On ne peut pousser personne à faire cet acte.

Je pense qu’il faut informer les femmes noires et leur dire qu’elles ont la possibilité de donner.

Pour ma part, personne ne m’a convaincu de le faire. J’ai juste vu une affiche et c’était ma propre décision.

Je donnais déjà mon sang, mon plasma mais ça c’est pour tout le monde.

Alors, je me suis mise à la place de quelqu’un qui peut avoir la même origine que moi ou de quelqu’un a la peau noire comme moi et qui doit attendre plus de temps pour avoir un don. Donc rien que pour ça, j’étais prête à donner tout en sachant que les femmes noires pourront bénéficier prioritairement d’un don d’une personne qui leur ressemble.

Accepter l’infertilité – sujet tabou

Je pense que ce doit être compliqué pour certaines personnes d’accepter son infertilité ou celle de sa/son conjoint, il faut pouvoir aller au-delà de la honte. C’est une chose dont on parle peu même entre amis ou au sein de la même famille. On n’ose peut-être pas poser la question. On essaie de ne pas être intrusif.

Ensuite il faut pouvoir aussi accepter de recevoir un don de quelqu’un d’autre qui, même s’il a la même couleur de peau, ne portera pas notre gène.

A mon sens, une famille ne repose pas nécessairement sur la génétique, on le voit bien dans le cas des enfants adoptés.

Par ailleurs, concernant mon pays d’origine, la chef de service qui m’avait reçu pour mon don m’avait dit : ‘Il est arrivé que des personnes originaires d’autres pays africains ne veulent pas de gamètes provenant d’une personne du Cameroun ou d’ailleurs’. Donc ces personnes-là, évidemment, n’auront pas accès à mon don et devront attendre un bon nombre d’années avant d’avoir quelqu’un de l’origine qu’elles souhaitent.

Je pense aux femmes qui sont infertiles

Arlette, ma mère, est très fière que j’ai pu faire ce don qui a peut-être permis à des personnes d’accéder à la parentalité, même si on ignore si cela va aboutir à des naissances. C’est à la médecine de le faire le reste.

Je partage pas mal de choses avec elle et le fait de devenir maman à mon tour nous a beaucoup rapproché. Elle aussi m’a eu tôt, à 25 ans.

J’ai attendu d’avoir les résultats du don avant de lui en parler. Je lui ai montré et je lui ai dit : ‘Je veux que tu comprennes que ce n’est pas mon enfant que je donne. On partagera de la génétique avec cet enfant là, mais ce n’est pas le mien. Je ne sais pas à qui je donne. Je ne sais pas si ça aboutira à une naissance ou pas et je ne sais même pas combien d’ovocytes je vais donner. Mais j’ai juste envie de faire ce geste là parce que je pense aux femmes qui sont infertiles, qui attendent désespérément depuis tant de temps. Et maintenant que *la loi est passée, des femmes en couple ou des femmes seules peuvent accéder aussi aux dons, ce qui fait que ça rajoute des personnes sur la liste d’attente’.

Elle considère que c’est déjà ‘un grand pas’. Et surtout, coté génétique, elle fait bien la part des choses. Elle ne se dit pas qu’elle aura un jour un petit fils ou petit fille quelque part, elle sait très bien que son seul petit-fils est mon fils.

D’ailleurs, j’en ai parlé à presque tout le monde dans ma famille. Certains m’ont dit : ‘C’est bien que tu aides d’autres personnes’ tandis que d’autres ne comprennent pas forcément le geste. Certaines femmes de ma famille se disent que j’ai un enfant dehors et que j’aurais peut-être dû penser à moi et avoir un second avant de donner mes ovocytes.

Pour l’instant, je ne veux pas d’enfants, donc je n’allais pas attendre mes 35 ans pour donner.

J’ai toujours eu tendance à penser aux autres avant moi-même.

Le fait que l’accès aux origines ne sera plus anonyme pour l’enfant est une bonne chose.

A partir de septembre 2022, l’enfant né par don d’ovocyte aura le droit à ses 18 ans de demander d’accéder à ses origines. Cela signifie que dans mon dossier, je vais pouvoir mettre un document qui dit : ‘J’autorise cet enfant à savoir pourquoi je l’ai fait, à quel âge, comment je m’appelle…’ ainsi que des informations qui peuvent l’aider à savoir d’où il vient.

Ça veut aussi dire que potentiellement, si dans 20, 25, 30 ans ou plus, quelqu’un vient, j’ouvrirai ma porte. Si cela arrive, ce sera plus pour le côté génétique. Je ne serais pas sa mère et je sais aussi que légalement, je ne suis pas du tout responsable de cet enfant qui va naître.

Sur les réseaux sociaux, beaucoup de femmes noires en attente de dons partout en France m’ont écrit. Certaines d’entre elles attendent depuis six ans. D’autres sont parvenues a avoir un enfant après un long cheminement. D’autres encore m’ont remercié de parler du dons.

On ne peut convaincre ni inciter personne à donner quoi que ce soit. C’est un peu comme le don du sang, il faut que ça soit de sa propre initiative. D’autant que c’est aussi tabou dans certaines cultures.

Chacun a son histoire, chacun ses projections et sa manière de voir les choses.

Une chose est sure, le don d’ovocyte est peu connu généralement.

J’ose espérer que mon témoignage aidera quelques femmes à se reconnaitre en moi ou à découvrir quelque chose qu’elles ignoraient en se disant : ‘Je ne savais pas que ça existait et je vais aller prendre des informations pour enrichir mes connaissances et savoir si je peux donner ou pas’. »

Cette méthode de procréation assistée autorisée en France depuis 1994 est utilisée notamment lors de protocoles de fécondation in vitro (FIV).

La loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique a élargi l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) [également dénommée procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes non mariées en France.

Selon l’Agence de la biomédecine, cette nouvelle loi permet également aux enfants issus d’un de gamètes la possibilité d’accéder, ‘s’ils en font la demande, à leur majorité, à l’identité de leur donneur, ainsi qu’à des informations non identifiantes le concernant’.

Sur leur site, l’institution stipule que :

  • C’est un acte gratuit, librement consenti
  • Réalisé dans un établissement hospitalier
  • Toute personne en bonne santé, âgée de 18 à 44 ans pour les hommes et de 18 à 37 ans pour les femmes peut effectuer un don de gamètes
  • La diversité des donneuses doit pouvoir refléter la diversité de notre société
  • 836 femmes ont fait un don d’ovocytes en 2019
  • 409 enfants sont nés vivants suite à une AMP réalisée avec don d’ovocytes

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Palabre est une série de portraits intimes capturant un parcours de vie. Tous les mois, nous donnons la parole à celles et ceux qu’on entend peu et qui pourtant, ont tant de choses à nous apprendre. Des personnalités marquantes par la manière dont elles mènent leur vie et marient leurs origines.

Vous avez une histoire à nous raconter ? Ou vous avez une suggestion ou une idée d’histoire ? Faites-nous en part. Venez palabrer avec nous.

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